Histoire de l'art, Femme artiste

Rosa Bonheur, spécialiste de l’art animalier

© Château de Rosa Bonheur
Ses peintures ont été récompensées, achetées et célébrées dans le monde entier. Première femme artiste spécialisée dans la peinture animalière, Rosa Bonheur s’est créée une place dans un domaine fermé aux femmes. Comment cette passionnée d’animaux au talent exceptionnel a-t-elle réussi à laisser sa patte ?

Date de publication de la page et auteur de publication

Créé le :

Des heures à observer les animaux

Très tôt, Rosa Bonheur montre un intérêt pour le dessin et les animaux. C’est en observant avec une curiosité débordante le pelage, les déplacements et les attitudes des animaux que Rosa Bonheur développe un don pour la peinture animalière.

Après ses cours d’art appliqué au musée du Louvre, la jeune adolescente copie des plâtres d’animaux réalisés par le sculpteur français Pierre-Jules Mène (1810-1879) qui était un ami de son père, lui-même artiste. Cet exercice lui permet de mémoriser avec précision et rapidité la morphologie des animaux : « bientôt, je m’aperçus que ce mode de travail avait un avantage très sérieux pour moi ; les ombres se détachaient avec une vigueur telle, que les formes des bœufs, des moutons, des chevaux, se gravaient dans mon esprit avec une facilité surprenante », décrit-elle.

Sculptrice aussi, Rosa Bonheur s’inspire du travail de Mène pour fabriquer des moulages d’animaux et ainsi mieux connaître leur ossature et leur musculature. « Ces moulages merveilleux m'ont tellement intéressée que bientôt je me suis exercée à modeler moi-même des animaux pour m’en servir dans mes compositions. Je maniais la truelle avec autant de facilité que la brosse », rapporte-t-elle.

Mais c’est en se rendant dans les abattoirs et les foires à bestiaux de Paris que Rosa Bonheur étudie le mouvement des animaux. Alors que ces lieux dangereux et nauséabonds sont interdits aux femmes, Rosa Bonheur ne s’arrête pas à cet obstacle et demande une autorisation qu’elle obtient par la Préfecture de Police de Paris en 1857. Elle reçoit alors une permission de travestissement, lui permettant de porter des pantalons, exclusivement réservés aux hommes à cette époque, afin de se rendre dans les abattoirs et les foires à bestiaux. Du jamais vu !

Un succès fulgurant

Spécialisée dans l’art animalier, Rosa Bonheur n’a que 19 ans lorsqu’elle présente ses œuvres pour la première fois au Salon de peinture et de sculpture du Louvre, couramment appelé « le Salon ». Quatre ans plus tard, elle expose au Salon de 1845 et reçoit une médaille de bronze pour la section « Paysage et Animaux ».

En 1848, c’est le début du succès : Rosa Bonheur reçoit la médaille d’or au Salon pour son œuvre Bœufs et Taureaux, Race du Cantal. Cette toile lui permet d’obtenir une commande de l’Etat qui lui offre 3 000 francs pour réaliser un tableau agraire (ce qui équivaut aujourd'hui à 10 000 € environ). Rosa Bonheur a alors seulement 23 ans.

Le tableau qu’elle propose est Labourage nivernais (1849). Aujourd’hui, exposé au Musée d’Orsay à Paris, cette toile immense de 2,5 mètres de longueur représente le premier labour de bœufs avec un réalisme captivant.

Il y a dans le regard de ses bêtes cette mesure exacte d’expression qui leur appartient et dont Mlle Rosa Bonheur semble leur avoir arraché le secret.”

écrit Roger Milès dans l’Eclair

La première femme à vivre de son art

Son plus grand chef-d’œuvre, Le Marché aux chevaux (1853), lui offre immédiatement une renommée internationale. Toutes les critiques sont unanimes. Cette toile « a le rare et singulier privilège de ne soulever que des éloges dans tous les camps. Mlle Rosa Bonheur est à la mode, son nom est dans toutes les bouches, et j’aurais mauvaise grâce de lui refuser un tribut mérité », écrit Henry de La Madelène dans la revue L'éclair en 1853.

À la suite de ce succès, Rosa Bonheur réalise une tournée en Europe et son talent est salué dans les cours princières. Elle est même présentée à la reine Victoria. Acheté par son ami et agent Ernest Gambart pour 40 000 francs, Le Marché aux chevaux est finalement racheté par un Américain pour la somme colossale de 268 500 francs-or. C’est sans précédent. À 31 ans, Rosa Bonheur devient la première femme à acheter un bien grâce au fruit de son travail.

Voir aussi